À la barre de son monotype de course durant le dernier championnat SailGP, Sir Ben Ainslie fend les flots avec au poignet une pièce unique, une Yacht-Master 42. Sa particularité? La montre dispose d’un boîtier usiné en titane. Si pour Rolex, aucune référence n’est encore disponible au catalogue dans ce métal, tout laisse penser que ce coup d’essai se métamorphose d’ici peu en coup de maître. D’autres marques apprécient, depuis quelques années déjà, toutes les propriétés du matériau.
Flashback! En 1791, le minéralogiste et pasteur britannique William Gregor (1761-1817) met en évidence un nouveau métal. Quatre ans plus tard, un professeur de chimie berlinois, Martin Heinrich Klaproth (1743-1817), réalise la même découverte et puise dans la mythologie grecque, les Titans, pour la dénommer. L’intuition est la bonne, car ses principales propriétés ne sont connues qu’en 1825. En 1939, le métallurgiste luxembourgeois, William Justin Kroll (1889-1973) finalise un procédé industriel pour produire du titane pur. Si ses atouts séduisent l’aérospatiale en pleine essor dans les années 1950, en horlogerie, il faut attendre 1970 pour admirer la première montre dotée d’un boîtier en titane, le chronomètre X-8 signé Citizen. Porsche Design, alors propriété d’IWC, présente huit ans plus tard un modèle combinant un écrin et un bracelet usiné dans ce matériau. Le milieu des années 2010 sonne le début d’une nouvelle ère. De nombreuses marques étoffent leurs collections de créations partageant des caractéristiques identiques: légèreté, résistance à la corrosion, biocompatibilité…
Ces avantages se retrouvent ainsi dans le boîtier de la Seamaster Diver 300M Co-Axial Master Chronometer 42MM portée par Daniel Craig dans le dernier opus de James Bond au cinéma, Mourir peut attendre (No Time to Die dans sa version originale). Le garde-temps d’Omega s’accompagne d’un bracelet milanais confectionné aussi en titane grade 2. Il s’agit du métal pur, la déclinaison la plus appréciée, entre autres, pour sa capacité à subir une déformation plastique sans se rompre. Sa finition satinée inhérente à l’alliage permet par ailleurs de limiter les reflets lumineux. Comme chez l’horloger biennois, le titane est souvent choisi ailleurs pour une production typée sport. Chez Rebellion, les liens avec l’univers de la compétition automobile font que la majorité des montres sont en titane avec ou sans revêtement DLC. Et avec la GF3000, ZRC propose la seule plongeuse sans valve à hélium capable de tutoyer les grandes profondeurs. Elle a été testée jusqu’à 5’100m sous le niveau de la mer!
Sa teinte contemporaine participe de même au design de la pièce à l’instar de la Chopard Alpine Eagle Cadence 8HF, aussi performante que graphique et élégante. Vacheron Constantin l’associe avec l’acier pour son édition limitée Overseas Everest. Cette combinaison délivre une alternative technique et décorative. Hublot le cisèle avec la Big Blanc Sang Bleu II Titanium, lui donne de la couleur à la Big Bang DJ Snake. Une grande première! Jusqu’à présent, seuls le gris et ses multiples nuances étaient de mise.
Quelques réalisations bénéficient d’un traitement Titalyt. Outre l’apport esthétique, le procédé d’oxydation renforce sa dureté, sa résistance à l’usure et à la corrosion selon la norme des matériaux AMS 2488D usitée dans les secteurs de la compétition automobile et de l’aérospatiale. Celui-ci donne ainsi à la RM 016 de Richard Mille une teinte ardoise mat, contemporaine et élégante. L’horloger des Breuleux ne se contente pas de produire des boîtiers en titane. Il a recours au métal dans son grade 5 pour les ponts et platines de ses calibres comme le RMAC3, qui anime la RM 11-03 ou le mouvement squelette RMA7S de la RM 029 Automatique Le Mans Classic. La présence d’aluminium (6%) décuple l’amélioration de la résistance. Le vanadium (4%) augmente la ductilité, sa capacité à être étiré sans se rompre.
Le métal joue en outre la carte du développement durable. Neuvième élément par ordre d’abondance dans la croûte terrestre, s’il n’est pas rare, il demeure onéreux car difficile à raffiner. Six fois plus cher à produire que l’acier, l’importance de mettre en place des circuits vertueux s’impose. L’Eco Titanium, issu du retraitement de pièces de l’aviation, offre des opportunités à l’industrie horlogère. Avec la série limitée Submersible eLAB-ID assemblée à partir de 98.6% de matériaux recyclés dont de l’Eco Titanium pour le boîtier, Panerai inaugure une nouvelle ère avec pour objectif de restreindre l’usage de ressources planétaires. Un projet forcément titanesque.
Par Dan Diaconu